Ce qu’il fait de nuit. Laurent Petitmangin

  • Ce qu’il fait de nuit. Laurent Petitmangin
    Ce qu’il fait de nuit. Laurent Petitmangin
  • Ce qu'il faut de nuit, Laurent Petitmangin, 

    La manufacture de livres, 2020

     

    Le père et le pire

    "Est-ce qu’on est toujours responsable de ce qui nous arrive ? Je ne me posais pas la question pour lui, mais pour moi. Je ne pensais pas mériter tout ça, mais peut-être que c’était une vue de l’esprit, peut-être que je méritais bel et bien tout ce qui m’arrivait et que je n’avais pas fait ce qu’il fallait."

  • Le narrateur, cheminot, vit dans un village de Meurthe-et-Moselle abandonné par les décideurs et les industries. Il décrit le tissu social qui se délite, le chômage endémique, le repli xénophobe et l’impuissance. Mais aussi les solidarités muettes, les coups de main entre voisins... En marge de cette déshérence, le syndicat et les copains lui permettent de tenir et d’espérer un peu. 

    Veuf, il élève seul ses deux fils. L'aîné, Fus, (pour Fuβball) a planté l'école pendant la longue agonie de sa mère. Seul compte pour lui le foot où sa hargne fait merveille. Le cadet, Gillou, est brillant, promis à de belles études qui devraient le hisser hors de son milieu ouvrier. Les deux frères s’entendent comme chien et chat, tendresse et coups de pattes inopinés. La perte qui les a affectés a resserré leurs liens. Le narrateur les contemple et se réjouit. Ce sont des bons gars, la moman serait fière d'eux.

    Des bons gars. Jusqu'au jour où Fus est aperçu collant des affiches avec des jeunes d'extrême droite. "J’avais honte. Désormais on allait devoir vivre avec ça, c’était ce qui me gênait le plus. Quoi qu’on fasse, quoi qu’on veuille, c’était fait : mon fils avait fricoté avec des fachos."

    Comment lui parler alors qu'il banalise tout ? Comment avancer avec ce fils qui renie toutes les valeurs familiales ? Peut-on encore l'aimer ? Et demeurer père quand le pire, finalement, ne tarde pas à se produire ?

    Dans ce premier roman qui a la puissance d'une tragédie grecque, Laurent Petitmangin scrute la paternité avec une plume haletante qui laisse le lecteur pantois. À lire toutes affaires cessantes.

     

    Françoise Guerin