Echo de la matinée du 20 octobre 2018-A quoi ça tient?

  • Echo de la matinée du 20 octobre 2018-A quoi ça tient?
    Echo de la matinée du 20 octobre 2018-A quoi ça tient?
  • Cette matinée à Annecy inscrite dans la préparation des journées de l’École nous a amené à questionner la place de la jouissance et de l'amour dans l'expérience du mariage.

     

    Notre titre « A quoi ça tient ? » nous a guidé à partir de l'histoire d'Adèle contée par Maï Linh Masset à travers l'expérience ravageante qu vit ce personnage créé par Leïla Slimani dans son roman « dans le jardin de l'ogre ».

    Adèle dévorée par une frénésie sexuelle indicible se livre d'homme en homme à la crudité d'une jouissance qui saisit son corps et la dévaste la laissant sans armes face à un désir insatiable. Si elle a espéré à travers le mariage de pouvoir domestiquer cette jouissance, elle se retrouve soumise à l'impossible d'une pacification par le semblant du mariage. Il n'est pas là question d'amour mais de jouissance qui laisse le sujet seul livré au corps lui-même.

    Maï Linh Masset nous a fait percevoir combien le non rapport sexuel ne permet pas au parlêtre de se soutenir seulement de l’institution du mariage, il y faut quelque chose de plus, quelque chose qu' Adèle n'arrive pas à situer et à trouver chez l’Autre que son mari Richard n'arrive pas à incarner pour elle, elle reste prise par la jouissance Une du corps, la jouissance hors signification phallique.

     

    « A quoi ça tient ? » chez Julien et Clémence. A travers le film de Pierre Granier Deferre « le chat » Christine Marcepoil nous a invité à suivre ce couple dans son impossibilité à se séparer. Ils marchent dans la rue l'un derrière l'autre, mangent dans leur maison l'un après l'autre, se côtoient sans un mot mais s'ils se voient, s'observent, ils ne se regardent plus.

    L'amour a déserté ce couple mais ils restent tout de même ensemble, il n'y a plus de paroles, que des bouts de papier griffonnés puis lancés par Julien qui montrent un lien qui ne se vit plus animé par le désir mais par une volonté aveugle de jouir de l'absence de parole du côté de Julien et l'espoir de Clémence à pouvoir comprendre ce que lui reproche son mari.

    Christine Marcepoil nous a emmené du côté de la fin de l'amour, du mariage vidée de sa signification phallique de promesse de rencontre des corps à travers l'amour. Ils ne se regardent plus, ne s'aiment plus mais vivent sous le même toit jusqu'au bout de l’expérience de leur déréliction.

     

    Laurent Dupont a accompagné cette matinée de ses commentaires. Il nous a rappelé que la fiction littéraire ou cinématographique comme tout art « interpelle comme dans un miroir ce qui intéresse la psychanalyse ». Il a salué le travail de Maï Linh Masset et Christine Marcepoil qui n'ont pas chercher à faire la clinique des personnages mais de s'interroger à travers ses œuvres des places de la jouissance et de la demande d'amour dans le mariage confronté au non rapport sexuel.

    Dans son exposé intitulé « avec quoi nous marions nous ? » Laurent Dupont nous a invité à le suivre dans une réflexion autour de la persistance de la pratique du mariage voire de sa généralisation (le mariage pour tous) alors que de plus en plus la sexualité est déconnectée du mariage. De l'intervention de Laurent Dupont se dégage la proposition que ce qui pousse les parlêtres à se marier, se noue autour du fantasme et de l'absence du rapport sexuel, habillés de l'amour : «Si ce qui nous séduit chez l'autre c'est un bout méconnu de nous-mêmes que nous trouvons en l'autre (à partir du fantasme), tout le reste est affaire de parole car la demande radicale de l'amour c'est : parle moi ! »

    Il situe de là la place spécifique de l'amour de transfert dans l'analyse, où l'analyste est là pour soutenir l'acte de parole. Le défaut de signification que l'analysant rencontre dans sa vie entraîne la demande de sens auprès de l'analyste mais celui-ci ne répond que de soutenir la parole dans la recherche du sens mais pas par la réponse de sens.

    Si l’analyste ne parle pas ou peu c'est pour permettre qu’un dire vienne à résonner comme événement de dire avec un événement de corps.

    Laurent Dupont nous a convolé en justes noces au bien dire car si « à la naissance le sujet est pur sujet de la jouissance, c'est la morsure du signifiant qui anime le vivant, la parole ».

     

    Gilles Biot