L'athéisme aujourd'hui, condition et possibilités

  • L'athéisme aujourd'hui, condition et possibilités
    L'athéisme aujourd'hui, condition et possibilités
  • L’athéisme aujourd’hui : conditions et possibilité

    Loin d’un déclin, le religieux revient. Si les discours de la science et du capitalisme ont déplacé notre rapport à la religion et à la tradition, « on doit constater, que l’âge de la science n’a pas fait s’évanouir le sens du sacré 1», que le sacré n’est pas un archaïsme. La science moderne n’est-elle pas venue prendre la place du Dieu de Descartes, celle de l’Autre qui ne trompe pas ? Mais là où la religion donnait une place à chacun dans un monde ordonné et du sens à sa vie, la science semble laisser chaque sujet sans repères pour s’orienter. Ainsi dans nos sociétés sécularisées, « l’apparent consensus sur l’éloignement du religieux de l’espace public, sous le nom de laïcité 2» domine les discours de nos institutions et les pratiques des champs médico-social et éducatif. Mais alors que notre présent immédiat convoque l’affrontement religions/athéisme, nourrissant la pente d’un absolutisme de part et d’autre, comment orienter nos pratiques et ménager un espace nécessaire à la réflexion ?

    Sigmund Freud et Jacques Lacan n’ont pas fait mystère de ne pas partager les croyances promues par les religions de leurs proches ; ils n’ont pas non plus cédé aux sirènes du fascisme, du national-socialisme, du marxisme-léninisme ou du maoïsme. Pour autant, ils n’ont pas été convaincus par les promesses du capitalisme envers lequel ils ont toujours soutenu une position critique, prenant en compte, avec d’autres, la cruauté de l’asservissement et des effets de ségrégation que son déploiement induit - ce en quoi il constitue une menace pour ce que l’on peut nommer civilisation.

    L’effort d’athéisme résonne donc de l’intime au politique…

    …mais constatons « l’absence de véritable questionnement sur la possibilité de l’athéisme 3».

  • Dans la relation transférentielle, l’analyste n’a pas à prendre position sur les croyances du sujet. Et à propos de Dieu, Lacan nous invite à jouer avec ce paradoxe : « On peut aussi bien s’en passer à condition de s’en servir 4».

    Rien, chez Sigmund Freud et Jacques Lacan ne tenait du cynisme. Gageons qu’il en allait de cet effort d’athéisme dont ils ont fait question éthique fondamentale pour l’exercice de la psychanalyse. Effort d’athéisme qui serait nécessairement au cœur de toute foi et de toute croyance, foi et croyance consubstantielles au lien social des êtres parlants, dès lors qu’ils ont décidé de ne pas céder à la jouissance de l’Absolu, donc au fanatisme, par la forclusion de l’Altérité.

    Que serait et que désigne cette possibilité, possibilité qui nécessite un effort, dans l’exercice même de nos pratiques de rencontres et de traitements de « ce qui ne va pas » chez ceux que nous recevons dans nos cabinets ou nos institutions ? Qu’en apprenons-nous de ce qui alors fait orientation ?

    C’est l’enjeu, ici éthique, que nous proposons de mettre au travail.

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    1 Jacques-Alain Miller, Le retour du blasphème, Lacan quotidien N° 452, 10 janvier 2015.

    2 Eric Laurent, L’envers de la biopolitique – Une écriture pour la jouissance, Navarin – Le Champ freudien, 2016, p. 235.

    3 idem.

    4 Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, p. 136.