PIPOL 9 Les lumières de l’inconscient

  • PIPOL 9 Les lumières de l’inconscient
    PIPOL 9 Les lumières de l’inconscient
  • LES LUMIERES DE L’INCONSCIENT

     

    « Osé ! » telle a été ma première réaction en entendant l’annonce du thème de PIPOL 9 se tenant à Bruxelles les 13 et 14 juillet 2019 : « Inconscient et cerveau : rien en commun ». Dès lors je me demandai comment être à la hauteur de cette question éminemment politique et redonner toute sa dignité à l’inconscient sans glisser dans la confrontation en miroir aux neurosciences.

     

  • Eh bien pari relevé ! Il s’est agi ce week-end de déployer ce qu’il en est de l’inconscient sans être pour autant contre la science. Le déroulement du congrès m’a permis de comprendre davantage les enjeux de ce titre : Non pas qu’il n’y ait pas de question mais plutôt, pas question de confondre inconscient et cerveau ! A l’incalculable du symptôme et de la jouissance en psychanalyse, s’oppose la réduction délétère des interprétations neuroscientistes qui évacuent la mise du sujet. Il s’est agi de démontrer comment en psychanalyse, le sujet se fait responsable de son symptôme tandis que les diagnostics scientistes laissent le sujet seul face aux nominations de la science, sans dialectique possible rappelait Hélène Bonnaud par exemple. En psychanalyse le sujet se sent concerné sans être visé. Le travail analytique est le travail du signifiant par excellence. Cela se construit. Le scientisme exclut la singularité du sujet. Il pense pour lui. Il sait ce que ça signifie. Au fond il augure d’une nouvelle forme de domestication.

    Ce qui a d’abord retenu mon attention lors de ce congrès, c’est donc comment le choix de considérer l’inconscient est avant tout éthique et tient au respect du réel, de la dimension langagière du symptôme et au désir de l’analyste dirai-je avec Gil Caroz (« Sans l’inconscient ? » Hebdoblog 175 du 16/06/2019). Comment, dans un monde où le discours régnant en maître est allié au discours de la science, peut-on se soutenir d’un choix ? en particulier en institution ? Pipol 9 n’a pas reculé devant cette question ardue aux réponses plurielles. 

    Alors les lumières de l’inconscient me direz-vous ?

    En effet j’ai été très intéressée par la perspective amenée par Eric Laurent de l’inconscient comme « tiraillements ». Qu’est-ce qui me tiraille ? Qu’est-ce qui fait ma discontinuité ? Mon dérèglement profond ? L’éclairage de l’inconscient ne procède que par éclats. Ainsi aucun espoir d’unité entre cerveau et inconscient. 

    En revanche comme l’ont souligné François Ansermet et Clotilde Leguil, « le vivant et l’inconscient ont tout en commun ». François Ansermet a proposé une lecture des neurosciences qui m’a percutée. Les neurosciences rejettent la mort et la temporalité. Ainsi leur point de mire d’un cerveau éternisé et homéostatique a-t-il à voir avec une version mélancoliforme de la vie. Les neurosciences, en éjectant la question de la jouissance, enterrent le vivant. A partir de là, la psychanalyse constitue-t-elle une chance d’avenir pour les neurosciences ? peut-on se demander malignement avec lui. 

    Ainsi comme l’indique Clotilde Leguil, la lumière de l’inconscient nous guide vers l’écriture de notre trauma, vers la possibilité d’assumer notre douleur d’exister. Pour connaître le sentiment de la vie, il faut naître une seconde fois, naître à son désir et à sa parole, c’est-à-dire renaître en tant que sujet. La psychanalyse permet cela. L’inconscient apparait comme une lumière parfois trop aveuglante pour y décerner quelque chose. Alors le travail de l’analyse ne consiste-t-il pas à trouver comment cligner des yeux pour tantôt faire la lumière, tantôt laisser place à l’ombre, dans cette rencontre avec la béance del’inconscient ?

    Bérengère Nicolas