Semaine à 4 temps

  • Semaine à 4 temps
    Semaine à 4 temps
  • Echo semaine à quatre temps à Lyon.

    Quatre soirées se sont succédées à Lyon sur le thème des cinquantièmes Journées de l’ECF Attentat sexuel. Elles mettaient à l’honneur les artistes pour aborder ce thème, ouvrir un espace de de conversationsde recherches et de découvertes. En effet, « la psychanalyse change, ce n’est pas un désir, c’est un fait, elle change dans nos cabinets, et ce changement au fond pour nous est si manifeste qu’il intègre (..) la mention chronologique au XXIème siècle.»

  • La semaine a commencé avec le cinéma, un clin d’œil à la 12ème édition du Festival Lumière  qui se tenait à Lyon. Avec le film Shame, le plasticien et réalisateur anglais Steve Mac Queennous a plongé nous a plongé dans l’hypermodernité, l’univers hyperbranché new yorkaisaseptisé, sur fond blanc et espaces transparents avec une « mise en abîme » comme l’a souligné Adèle Geoffroy où le regard se fait omniprésent, omni voyant, sur le corps d’un homme, Brandon, gouverné par les vidéos porno et la masturbation, et sur la jouissance des corps, sans parole. Là, la pornographie ne sadosse à aucun imaginaire ou univers fantasmatique mais se présente comme itération. Christian Chaverondier a souligné combien les « questions en impasse liée à la vie sexuelle ne sont pas nouvelles, c’est le contexte qui est nouveau : il y a toujours un objet possible à consommer,  réalisé par la technologie contemporaine. En estompant la figure de l’Autre, la configuration contemporaine  détache, fait valoir la tyrannie et l’autisme de la pulsion. » L’arrivée de sa sœur Sissi dans la vie de Brandon produit une présence dérangeante et « obscène », fait attentat souligne A. Geoffroy. La présence insupportable de Sissi introduit au symptôme. L’art de Steve Mac Queen est de produire un autre placement du regard tant pour Brandon que pour le téléspectateur.

     

    Lors de la seconde soirée, nous nous sommes plongés dans l’univers bigarré, déroutant, inclassable de Niki de Saint Phalle, avec ses créations monumentales, magiques. L’objet arrime le travail infatigable de création de Niki De Saint Phalle et ouvre sur un trajet artistique remarqué et remarquable : « le geste artistique la transforme, la façonne et la dit femme» cite Sandra HérouxNiki de Saint Phalle assemble des objets hétérogènes, malaxe la matière, l’explose, domestique un imaginaire débordant, traite le chao du monde. Grâce à son art varié (collage, dessin, peinture, théâtre, réalisation cinématographique, architecture, écriture), « elle n'a de cesse de faire tenir ce nouage fragile, sculptant par la même un corps à son être, à la quête d’un signifiant pour se dire. » Elle a l’art de « cultiver le secret » de l’inceste souligne délicatement Sandra Héroux. A la sortie de son film Daddy, Jacques Lacan prend sa défense au moment où la critique est acerbe. Que peut-il défendre ? « Dans l’enseignement de la psychanalyse, il n’y a pas de code pour écouter le sujet, pour voir,entendre, recevoir, de même, il n’y a pas d’analyste pour commenter l’art; il se prêterait alors au sens commun » précise Marie-Cécile Marty. L’artiste Niki de Saint Phalle nous enseigne que bien au-delà de la question du père, l’Autre n’existe pas ; elle ouvre à la question du réel. 

    Puis, le livre King Kong Théorie de Virginie Despentes, texte mis en scène au théâtre, nous a poussé dans l’obscurité de l’univers musical punk-rock et hardcorePour Virginie Despentesle viol est « fondateur, de ce que je suis en tant qu’écrivain, en tant que femme qui n’en est plus tout à fait une. C’est à la fois ce qui me défigure et me constitue.»  Pour elle, la vérité du rapport sexuel est le viol. Virginie Despentes répond au trauma du viol par la prostitution et s’étonne de découvrir les hommes « sympathiques, moins impressionnants, plus attachants  (…) attentifs, tendres.» Selon elle, « ce n’était pas leur agressivité qui était difficile à côtoyer, ni leur mépris (…) mais plutôt leurs solitudes, leurs tristesses (…) ce qu’ils montraient de leurs faiblesses. » Mai Linh Masset repère que l’auteure « se bat, non pas contre les hommes, mais contre toute forme de pouvoir, quel qu’il soit, notamment lorsque ce pouvoir prend la forme d’un discours. » Geneviève Valentin avance que Virginie Despentes « conclut par ce qu’elle appelle la rengaine de se sentir responsable de ce qui nous arrivedénonçant la figure acceptable de femme qui serait celle de la victime digne: celle qui sait se taire. »

    Enfin, la quatrième soirée nous a permis de découvrir le travail, pas sans résonnance avec celui du psychanalyste, de Thierry Tun Yang, danseur et chorégraphe. La poésie y a une place: « Il y entre l’autre et moi la danse, une danse inventée, comme une langue. Ce n’est jamais sexuel, ni masculin, ni féminin, ni intime ou privé. Il n’y a pas un homme ou une femme, mais un espace qui circule. () La danse est comme une conversation pour dire autrement. Cela laisse place à l’inattendu. Dans le film Une jeune fille de quatre-vingt-dix ans, j’ai réanimé le désir de vivre chez Blanche. »

    Ces soirées nous ont enseigné, comme le soulignait Lacanque nous avons « à prendre de la graine » de l’art et de la poésie en matière de réel et de jouissance« La poésie montre que l’axiome Il n’y a pas de rapport sexuel est la signification cachée de toute solitude. En quoi elle éclaire la psychanalyse.»

    M-C Marty