Un jour ce sera vide. Hugo Lindenberg.

  • Un jour ce sera vide. Hugo Lindenberg.
    Un jour ce sera vide. Hugo Lindenberg.
  • Un jour ce sera vide, Hugo Lindenberg,

    Christian Bourgois Éditeur, 2020

     

    Le fardeau de la méduse

    " Rien ne m’est plus étranger qu’un garçon de mon âge. "

    Ça débute sur une plage de Normandie. Un garçon de dix ans se penche sur une méduse échouée qu’il ausculte avec un bâton. Un autre survient, qui propose de retourner l’animal. Le narrateur s’exécute, bouleversé par cette rencontre inopinée. Suit une très jolie scène d’approche réciproque. Car, pour notre jeune héros, rien ne fait évidence. Ni l’autre, ni soi-même.

     

     

  • " Je m’accroupis pour discerner dans les méandres gluants ce qui pourrait être une larme, un œil, un visage. L’enfant aussi s’approche, frôlant mon épaule de ses cheveux mouillés dont une goutte froide se détache et coule lentement le long de mon bras. Trajet affolant de ce don de sel sur ma peau"

    Dès lors, ils vont se voir chaque jour mais rien de ce qui semble naturel pour Baptiste ne l’est pour le narrateur trop encombré de lui-même. 

    " Ce qui fait de Baptiste un vrai garçon […] c’est qu’il n’a besoin de rien pour en être un. À moi, cela demande une concentration permanente. Je dois toujours bien penser à mettre une intention de garçon ". Adoptant les goûts, les désirs et les tics de son nouveau copain, il tente de se faire adopter et de jouir, même fugacement, de l’aisance qu’il suppose chez l’autre. Quitte à dissimuler qui il est, d’où il vient et quelle étrange famille dissonante l’accompagne à la plage.

    La famille, voilà ce qui préoccupe cet enfant singulier. " j’allais à la plage pour le spectacle des familles. Je posais ma serviette un peu au hasard et […], je m’installais pour espionner une famille. […] La vérité c’est que j’absorbais tout ce que je pouvais jusqu’à devenir l’air autour d’eux, jusqu’à être aspiré dans leurs poumons, puis recraché, puis aspiré encore pour saisir l’essence même de leur bonheur"

    Avec ce passionnant premier roman à la langue très poétique, Hugo Lindenberg nous convie dans les pensées tortueuses d’un enfant-méduse, qui se voue à faire tenir son monde bancal, entre transparence et opacité. 

     

    Françoise Guerin