Deux échos de la soirée Brèves de cartel du 30 mars 2021

  • Echo de la soirée du 30 mars 2021
    Echo de la soirée du 30 mars 2021
  • Écho de la soirée "Brèves de cartel" du 30 mars 2021

     

    Pour cette soirée, nous avons choisi d'inviter un cartel à l'étude de L'être et l’Un et demandé à ses cartellisants de partager, en cours de route, un bout de leur travail.

    Ces "bouts précieux" ont été éclairés pas à pas par la lecture attentive de notre collègue Syliane Renaut. 

     

    J-A Miller a donné de 2010 à 2011 un enseignement qu'il nomma L'être et l'Un. Ce fût son dernier séminaire. C'est après l'avoir transmis qu'il décida d'en changer le titre : L'être et l'Un céda la place à L'Un tout seul.

    En amont de cette soirée, ce changement m'a fait penser que, sans doute, ce cours qu'il donna sur le dernier enseignement de J.Lacan avait transformé sa vision sur la question du parlêtre et de son rapport à la jouissance.

    C'est avec cette question, "Tiens, mais de quelle transformation s'agit-il !?", que j'ai découvert les textes de nos collègues.

    C'est donc à la lumière du signifiant transformation que je propose un écho de cette soirée :


     

  • Le travail de Sandy Barritault lu à cette occasion interroge dès son entrée ce changement de titre. Elle le questionne sous cette forme : "A quoi correspond cette référence à la dualité que J-A Miller a voulu gommer ?" Son texte suit le chemin parcouru du "roc de la castration" freudien à "l'au-delà de la castration" auquel J.Lacan arrive. Cette traversée permet d'attraper, qu'au-delà de la partition homme/femme, chaque être parlant est frappé par cette incomplétude inhérente à la structure du langage. La lecture de Sandy Barritault m'a fait entendre la transformation sous l'angle du déplacement (le complexe de castration freudien est déplacé par Lacan sur la scène du fantasme) et du renversement (le roc par cette voie devient construction franchissable).

    La production d'Iris Lopez-Suarez a porté spécifiquement sur la leçon 4 du cours L'être et l'Un et le passage, dans l'enseignement de J.Lacan, de la jouissance de l'ordre imaginaire à l'ordre réel. Cette lecture donne à entendre que la transformation qui s'opère ici relève du statut de l'objet a : d'imaginaire, il devient réel et dès lors la formule du fantasme devient nouage des registres du symbolique et du réel. La transformation ici se joue dans un point de bascule : l'objet a du côté de l'imaginaire pouvait servir de vecteur pour attraper le pulsionnel. Une fois que Lacan le fait basculer du côté du réel, il rentre dans le registre de "l'inassimilable".

    À son tour, Virginie Fara, par le chemin de son expérience analytique, précise une série de transformations : celle du "tu" surmoïque au "je" comme décision du sujet, celle du "je ne suis pas celui que je pense être" à "je suis Autre à ce que je suis", celle de la jouissance féminine à "la jouissance comme telle", enfin celle de l'impuissance à l'impossible. Cette série, dans le nouage qu'elle produit, conduit Virginie Fara de L'être et l'Un à L'Un tout seul, point de solitude radical qui d'insupportable se transforme en "savoir y faire avec adresse » !

    La contribution de Nicole Treglia se réfère à la leçon 5. La transformation que l'on entend ici porte spécifiquement sur la jouissance et se produit dans un point de rupture : d'abord éclairée par Lacan à la lumière de la logique œdipienne, la jouissance devient dans son dernier enseignement rupture au vu de cette logique, "pur évènement de corps". La jouissance féminine devient jouissance "comme telle", indicible. Nicole Treglia passe par le texte de Lol V Stein pour faire entendre que cette jouissance "supplémentaire" est faite de" sons qui résonnent" et de silence, ensemble vide où manque le signifiant pour dire La femme.

    Pour finir, la présentation d'Henri Jacquin a sonné comme le fruit des transformations que le dernier enseignement de J.Lacan permet de cueillir : celui d'un témoignage de passe. Ici, le témoignage d'Anne Béraud fait entendre le nouage singulier du langage et du corps. Trouvailles, retrouvaille avec lalangue comme écho sur le corps.

    Ce soir-là, étrangement, sans la présence de nos corps, représentés par une image derrière nos ordinateurs, nous avons écouté avec une grande attention les travaux passionnants de nos collègues : en suivant les pas tracés par J-A Miller, ils nous ont fait entendre les voies de transformation du dernier enseignement de Lacan pour arriver à ce point où le réel s'attrape par petits bouts, petits bouts de langue.

     

    Anne-Laure Pellat

  • L’Un tout seul  (cours de Jacques-Alain Miller)

    A la lecture du cours de Jacques-Alain Miller l’Un tout seul, celui-ci nous enseigne sur le parcours de Lacan qui se considérait avant tout comme un enseigneur. Il nous semble important de toujours garder à l’esprit que son séminaire s’adressait à un auditoire de psychanalystes.  Les fractures ou remaniements conceptuels de Lacan ne sont pas si simples à repérer. Jacques-Alain Miller, nous l’indique très bien lorsqu’il souligne que Lacan passe d’un « ça parle » qui fusionne le ça et l’inconscient avant de reconfigurer l’inconscient à l’aune du réel qui naît de ce que Jacques Alain Miller appelle son second enseignement. On y voie également se dessiner les abords philosophiques et logiques. Lacan comme rhéteur ne semblait pas à court d’arguments pour séduire un auditoire auprès de qui il ne rechignait pas à se faire avocat ou procureur en fonction de l’argumentation qu’il désirait soutenir. Au travers de quelques anecdotes Jacques Alain Miller restitue des bouts d’histoires qui révèlent un enseignement bien vivant de Lacan.

    Cet enseignement met l’accent sur l’importance du corps, qui avait été jusqu’à présent mis de côté. Jacques-Alain Miller souligne les différences conceptuelles entre les formations de l’inconscient et ce qu’il appelle les consistances cliniques que sont le fantasme et le sinthome. Le terme consistance est à mon sens à entendre du côté du corps réel.

    Les formations de l’inconscient tel que les rêves, lapsus sont des éléments qui révèlent une vérité, un désir. Ils sont donc à déchiffrer. Ils sont à traiter comme des effets de signifiants, c’est-à-dire qu’il y a effet de signifié.

    Le fantasme, lui n’est pas une formation de l’inconscient. Pourquoi ? Jacques-Alain Miller nous dit que Lacan invente un régime spécial au caractère hybride qui inclut le ça. Cette logique du fantasme est faite de disjonction et de conjonctions de L’Inconscient et du ça. Là aussi, par rapport à l’inconscient JAM le déplie en trois temps, l’Inconscient vérité, l’Inconscient comme savoir qu’il qualifie aussi d’hybride et l’inconscient réel. Le fantasme à la différence des formations de l’inconscient n’est pas seulement question de vérité et de désir, mais aussi de pulsion et de jouissance. Le désir nécessite une relation  avec un autre sujet de la parole. La pulsion se passe de l’Autre. La pulsion est auto-érotique. Si le fantasme est un dispositif de consistance, c’est qu’il résulte d’une intrication singulière du désir et de la pulsion. Jacques-Alain-Miller souligne que Lacan avait déjà le désir d’inclure par l’insertion de l’objet « a », dans cette logique un bout de réel, auquel il consacre une bonne partie de son dernier enseignement. Ce réel, ce n’est pas le réel de la nature, le réel de Dieu régit par des lois dites naturelles, il n’est pas réel nature incarné par le magicien ou tu par la science. Il n’est plus réel ordre. Il est sans loi.

    Voilà pourquoi Jacques-Alain Miller souligne l’évolution du statut de jouissance chez Lacan. Il y a un avant et un après qui se situe dans le dernier enseignement de Lacan, à partir du séminaire XX Encore. Jacques Alain Miller utilise cette formule qui m’a tout d’abord intriguée : « La jouissance ne se laisse pas négativer ». La jouissance est très indifférente à la vérité. Elle tient au corps. Un corps ça se jouit. Et pourtant, la jouissance était déjà présente dans l’enseignement de Lacan, elle était castrée, produit de l’interdit œdipien. Alors, que faire de la jouissance avant l’interdiction et celle qui persiste même après ? Eh bien, il y a une jouissance libre qui ne se laisse pas domptée, qui interroge le corps et qui nécessite de le cerner, de le traiter autrement que par le biais de l’image ou de l’interprétation. C’est un corps réel consistant, qui insiste, qui persiste qui n’est pas mais que l’on a.

    Lacan ne parle plus de sujet car il est disjoint de la pulsion, il souhaite lui substituer le terme de « parlêtre » qui inclut le corps.

    Lorsqu’il inclut l’autre consistance clinique qu’est le sinthome, Lacan en fait un champ hors sens qui n’appartient pas aux champs des signifiants de l’ontologie, de la dialectique. Il ne s’agit pas de l’Un de la fusion, c’est l’Un tout seul qui nait de la rencontre contingente de la lalangue et du corps. C’est la percussion du mot qui vient résonner. Jacques-Alain Miller dit que Lacan parle des pulsions comme l’écho qu’il y a un dire.

     

    Syliane Renaut