Echo de la soirée BD Traitement du Patriarcat

  • « Autofictions dessinées et traitement du patriarcat »

    par Céline Béghoul

     

    Mardi 20 juin 2023, une conversation clinique en direction du Congrès PIPOL 11, intitulée « Trai-tements du patriarcat. La BD, lumière sur le malaise contemporain » s’est tenue à Valence.
    Environ trente-cinq personnes, en présence et à distance, ont eu le plaisir d’entendre les contributions originales de quatre cartellisantes, commentées et discutées par Céline Poblome-Aulite, Psychanalyste membre de l’ECF, de l’AMP et de l’équipe PIPOL. 
    L’arabe du futur de Riad Sattouf et Fun Home d'Alison Bechdelsur sont les deux œuvres qui ont été choisies et analysées en cartel afin de montrer la façon dont un sujet peut à travers l’expérience de l’écriture d’une autofiction, tenter de cerner ce qui ne pourra jamais se dire 1 . Leurs deux récits, associant dessins et textes, peignent chacun à leur manière une vision du père et révèlent la douleur et la solitude d’un enfant dans le lien à celui-ci 2 . Mais au-delà d’un récit sur celui qui reste un père imaginaire, ces deux BD illustrent la question à l’honneur du congrès PIPOL 11 : de quoi le patriarcat est-il le nom,  pour chacun, singulièrement ? 3 En effet, avant même d’être incarnée par le père, tyrannique ou non, la langue elle-même s’impose au sujet et le commande silencieusement. Le patriarcat, pour la psychanalyse, n’est pas en premier lieu un système social de domination mais bien d’abord ce qui loge ces bouts détachés de la langue qui en percutant le corps ont fait traumatisme 4 . Ainsi, ces fictions dessinées, avant de devenir des objets de lecture, sont des processus au cours desquels chaque auteur s’efforce de se séparer de certaines paroles du père, porteuses d’une jouissance opaque. La langue dessinée 5 est pour eux un mode de traitement de cette langue traumatique. Le remaniement de cette dernière s’est fait dans un style unique et c'est bien ce que nous ont donné à entendre les lectures plurielles de Clémence Pannetier, Stéphanie Bozonnet, Léa Barge et Amélie Vindret. 
    “C’est une langue la BD” nous dit Riad Sattouf et le dessin est sa langue maternelle 6 . C’est à travers le trait dessiné que nous percevons que le sujet n'est pas entièrement soumis aux injonctions paternelles 7. Par son usage - non dépourvu d’humour - du trait et du texte, l’auteur passe d’une position de dénonciation du père à celle d’une énonciation singulière 8 et se fait responsable de ces signifiants qui lui sont étrangers (« arabe » pour n’en citer qu’un) mais qui lui appartiennent. Quant à Alison Bechdel, elle tente de cerner l’irreprésentable du sexe et de la mort 9 dans le récit graphique de sa Family Tragicomic. Le dessin lui permet de « garder des traces d’[elle]-même » 10 et la fiction, d’aller au-delà des apparences et de révéler une part de sa propre obscurité 11 . La destruction de « son » patriarcat 12 - nom qu’elle donne aux mensonges du père sur sa jouissance sexuelle - à partir d’un remaniement de la langue, lui donne accès à une vie « plus libre » et l’autorise à assumer sa propre homosexualité.

    1 Léa Barge
    2 Léa Barge
    3 Clémence Pannetier
    4 Céline Poblome-Aulite
    5 Clémence Pannetier
    6 Stéphanie Bozonnet
    7 Stéphanie Bozonnet
    8 Céline Poblome-Aulite

    9 Amélie Vindret
    10 Léa Barge
    11 Amélie Vindret
    12 Amélie Vindret