Echo de la soirée ciné-psychanalyse du 30.11.23

  • Echo de la soirée ciné-psychanalyse du 30.11.23

    "Anatomie d'une chute"

    Préparation à l'AMP 2024

     

    par Marie-Anne Thomasset-Kraft

    Nous nous sommes retrouvés au cinéma les Alizés, pour une nouvelle soirée ciné-psychanalyse nous préparant au congrès de l’AMP qui se tiendra prochainement sous le titre « Tout le monde est fou ».
    « Tout le monde est fou », c’est ce qu’écrit Jacques Lacan dans un court texte destiné à l’université de Vincennes. « Tout le monde est fou, c’est-à-dire tout le monde délire ».
    Énoncé choc, qui n’a pas laissé le public des Alizés indifférent !
    Nombreux sont ceux qui se sont déplacés pour voir, ou revoir ce film « Anatomie d’une chute », de Justine Triet dont les multiples facettes ont donné matière à une discussion vive avec la salle et animée par nos deux invités, Véronique Herlant et Pierre Forestier, psychanalystes, membres de l’ECF et de l’AMP.


    Ce film dissèque l’anatomie d’un couple, ce qui le constitue, le nouage fantasmatique qui l’a porté et qui, défait, ne peut que le précipiter dans une chute. Il s’agit aussi de la chute d’un homme dont on ne sait pas, jusqu’à la fin, ce qu’il en est : est-ce un accident, un suicide, un meurtre ? Nous ne saurons pas le fin mot de l’histoire ! Il nous faut supporter cette énigme, restée intacte, qui nous plonge dans les mêmes questionnements que l’enfant dont nous nous faisons partenaire : Qui dit la vérité ? Quelle est la vérité ? Qu’est ce qui fait vérité ?
    Le procès, filmé au présent, nous rend acteurs de cette recherche de vérité. Nous assistons aux débats, à la rhétorique, à la recherche de preuves que chacun essaie de faire parler à la lumière de sa vérité. Chacun, dans ce film, y va de sa propre folie, tissant une version qui lui est propre face au trou laissé par le réel de la mort de cet homme. Ce film raconte la rencontre de ces vérités singulières qui participent de la décision du sujet. Qu’est-ce que je décide de croire à la lumière de mon fantasme ?
    Le trou dans le savoir concerne chaque parlêtre. Chacun doit répondre à cela, que ce soit par une construction imaginaire qui prend la forme du fantasme dans la névrose ou du délire dans la psychose. Comment chacun, face à ce trou, va-t-il inventer sa réponse ?
    Suivons ici Daniel, l’enfant du couple, qui nous trace le chemin. Ne sachant qui croire, perdu dans cette quête d’une vérité « toute » qui lui échappe, il demande de l’aide à cette jeune femme, éducatrice de PJJ qui se fait oreille attentive. Cette parole qu’elle lui adresse laisse sa marque : quand on ne peut pas choisir entre deux choses, il n’y a qu’une seule solution c’est décider. Cette jeune femme le libère ainsi de l’angoisse en lui rendant sa position subjective ; il a à décider, subjectivement. C’est une position éthique. Décider c’est prendre position. Il est appelé à choisir la fenêtre par laquelle il lira ce qui s’est passé et à écrire, à son tour, l’histoire qui fera pour lui vérité.
    Daniel, bien qu’aveugle est, tel Tirésias, celui qui voit. Il est aussi celui qui entend tout, trop. Décider c’est aussi faire taire ce réel trop bruyant face auquel il se trouve. Ceci pour conclure que « tout le monde délire » … et heureusement, pourrait-on dire !