Juste la fin du monde à Villefranche

  • La deuxième édition « Cinéma-Psychanalyse en partenariat avec le Cinéma les 400 coups, à Villefranche » a, cette année encore, attiré beaucoup de monde – 130 entrées – La projection du  film « Juste la fin du monde » de Xavier Dolan (2016) a donné lieu à un débat animé. Comme en novembre 2015, nous avons préparé cette aventure avec nos collègues Gaëlle Bertrand, Ségolaine  Duperrier et Jean-Luc Gérenton qui connaissent bien les institutions locales, grâce à quoi nous pouvons toucher un large public du champ médico-social et psychologique. Christine Guillet Cuénot a accepté notre invitation à soutenir avec nous le débat. Le Directeur des « 400 coups », Rodolphe Donati nous a mis en lien avec la radio locale, c’est ainsi que la journaliste Sylvie Rosier a proposé sur les ondes de « Radio Calade » une interview qui nous a permis  d’expliquer notre projet de faire entendre la psychanalyse d’orientation lacanienne.

    « Juste la fin du monde » est un film déconcertant, voire éprouvant qui a suscité de vifs échanges et beaucoup de questions. Trois fils directeurs nous ont orientés : La famille, comme toute institution, a pour fonction de réguler la jouissance. La jouissance comme ratage de la circulation de la parole. Le langage comme vecteur d’autre chose que la supposée communication.
    Ont été soulignés la solitude radicale de chaque protagoniste pris chacun dans sa propre jouissance, l’impossible circulation d’une parole qui pourrait faire lien. Seule Catherine, la belle-sœur (Marion Cotillard), échappe un peu à cette configuration. Elle essaie d’apaiser, de faire lien, d‘introduire la dimension symbolique de la famille, mais sa parole difficile, bafouillante, reste peu audible. Comme le souligne Xavier Dolan dans une interview, il y a une proximité entre la place de ce personnage et la place du spectateur -  le spectateur médusé, égaré par les débordements des protagonistes. 

  • FIlm Juste la fin du monde
    FIlm Juste la fin du monde
  • La difficulté à dire s’accompagne logiquement de passages à l’acte : insultes, cris, violence mettent à mal la famille et le spectateur. Sans possibilité de faire sens commun autour d’un roman familial, les personnages se retrouvent tour à tour dans des duels violents – L’imaginaire est aux commandes !
    Ce que montre le film, c’est que cette « guerre totale », loin d’éloigner les personnages les uns des autres, au contraire les attache, les englue dans une même jouissance : ainsi Suzanne (Léa Seydoux) parle de son plaisir de faire les courses avec sa mère (Nathalie Baye), elle évoque ces moments privilégiés et, en parallèle, le flash-back montre les deux femmes alors qu’elles déchargent les courses du coffre de la voiture : elles sont hors d’elles, défaites, trempées ( il pleut)  et s’invectivent avec violence. Antoine, le frère aîné (Vincent Cassel) vocifère, tant il s’identifie à l’objet-déchet, abandonné… La mère, depuis sa position d’être depuis toujours le phallus incarné, dicte à Louis (Gaspard Ulliel), mot à mot, ce qu’il devra dire à chacun… Du père, disparu, il ne reste qu’un prénom, Louis, et une image, les pique-niques du dimanche, avant la naissance de Suzanne. Car à partir de là, la famille semble ne plus avoir existé…
    Or Louis est venu leur annoncer sa mort prochaine, après douze ans d’absence. Louis s’en est sorti, il s’est arraché à ce maelstrom : pourquoi revient-il ? Que veut-il, qu’attend-il ? Annoncer qu’il va partir pour toujours alors qu’il est déjà parti, qu’il les a abandonnés à leur égarement, apparaît soudain d’une violence inouïe et, de fait, le met en position de se faire l’objet de leurs ressentiments, de leur haine. Antoine est en prise directe avec le non-sens de la position de son frère et ce non-sens le rend fou.

    Edith Magnin, Roselyne Tynévez